Quand les ombres dansent… et que les mots les accompagnent : retour sur un projet autour de l’audiodescription

C’est l’histoire d’un projet ambitieux, poétique et engagé ayant pris vie autour du film Contre toute lumière dansent mes ombres, documentaire autobiographique de Sylvain Beaulieu, cinéaste malvoyant. À mi-chemin entre création artistique et exploration de l’accessibilité, ce projet a mobilisé étudiants, professionnels et institutions autour d’un objectif commun : faire entendre le cinéma autrement.

Tout est parti d’une idée portée par Marie Diagne – audiodescriptrice chevronnée – et Sylvain Beaulieu lui-même : suivre le processus de création de l’audiodescription du film, écrite à quatre mains dans le cadre d’une résidence à Poitiers.

Cette initiative s’est construite au fil de quatre temps forts : deux sorties de résidence pour permettre au public de suivre le travail en cours, une avant-première très attendue, et enfin une journée d’étude pour clore l’aventure en beauté.

Une résidence, des voix, un film…

Le 27 septembre 2024 à l’Espace Mendès France a eu lieu le premier rendez-vous.

Nous sommes dans la salle Confluence, l’horloge affiche 16h30. Une vingtaine de personnes sont présentes. L’ambiance est calme, attentive. À ce stade, l’audiodescription du film n’est qu’un chantier en cours. Marie Diagne propose alors un atelier de découverte, une immersion dans ce que certains appellent le « cinéma intérieur ». Avec l’aide de Sylvain Beaulieu, elle guide le public dans une expérience rare : « voir avec les yeux du dedans ».

Le 31 octobre, rebelote, mais cette fois au TAP cinéma. Une centaine de curieux, étudiants en majorité, se pressent dans la salle. Marie Diagne et Sylvain Beaulieu sont cette fois-ci accompagnés d’Emmanuel Coutris, un collaborateur malvoyant de Marie Diagne, qui nous explique en quoi consiste sa collaboration sur les audiodescriptions de cette dernière et comment il ressent un film avec sa propre perception. Cette fois-ci, on va plus loin : on entre dans le vif du sujet en abordant les défis et spécificités de l’audiodescription d’un film réalisé par un artiste malvoyant.

Trois jours pour apprendre à murmurer le cinéma

Du 27 au 29 novembre 2024, pour les étudiants de l’AMPAR, il est temps de s’exercer…

Le défi ? Trois jours de stage intensif aux côtés de Marie Diagne, pour apprendre à devenir, le temps d’extraits vidéo, la voix des images. L’objectif ? Être prêts à chuchoter à l’oreille de spectateurs malvoyants lors de la journée d’étude du 3 décembre.

Travail du vocabulaire, placement dans le rythme du film, justesse des mots… rien n’a été laissé au hasard. Deux étudiants se sont même portés volontaires pour exercer ce rôle le jour J auprès de spectateurs en situation de handicap visuel.

  

L’avant-première : une salle comble, un film vibrant

Le 2 décembre 2024, c’est la consécration. Dans le grand théâtre du TAP – Scène nationale de Grand Poitiers, Contre toute lumière dansent mes ombres est projeté en avant-première dans le cadre du Poitiers Film Festival. Marie Diagne en assure l’audiodescription en direct, offrant à chacun une expérience sensorielle inédite. Le bilan parle de lui-même : 600 spectateurs, un silence habité, une émotion palpable, le tout conclu par une rencontre entre Sylvain et le public le temps de quelques questions.

La journée d’étude : regards croisés sur un film pas comme les autres

Le 3 décembre, c’est à la médiathèque François Mitterrand que le rideau se lève une dernière fois. 60 personnes assistent à une journée d’étude consacrée au processus collectif de création du film. C’est l’occasion de donner la parole aux principaux membres de l’équipe : les co-réalisateurs Sylvain Beaulieu et Nicolas Contant, la monteuse Camille Fougère, le monteur son Benoit Perraud… Le programme est riche : interventions, extraits projetés, échanges. Les étudiants volontaires, désormais rôdés, assurent l’audiodescription pour les spectateurs malvoyants. Le tout dans une ambiance studieuse mais conviviale, ponctuée de pauses café et thé.

Dans une volonté d’accessibilité et d’inclusion, une partie de la communication autour de cet évènement et de l’avant-première était à destination des associations poitevines en lien avec le handicap visuel : l’AMPAR s’engageait à rendre le projet le plus accessible possible aux publics malvoyants en assurant le transport, l’accueil sur les lieux et, dans le cas de la journée d’étude, l’audiodescription des extraits projetés.

Nina en pleine audiodescription d’un extrait

La journée et l’aventure de ce projet autour de Contre toute lumière dansent mes ombres se concluent autour d’un buffet convivial, entièrement pensé et préparé par les étudiants du master : des courses aux fourneaux, jusqu’à l’installation sur place, c’est du 100% made in AMPAR ! Une dernière occasion gourmande pour échanger autour de plats faits maison…

Le mot (chuchoté) de la fin ?

Ce projet autour de Contre toute lumière dansent mes ombres a été une aventure collective, intense, humaine. Il a permis aux étudiants de découvrir l’audiodescription de l’intérieur, de questionner leur rapport à l’image et au son, et surtout, d’inventer une autre manière de faire entendre le cinéma.

Et si les ombres dansaient envers et contre toute lumière, c’est peut-être parce que quelqu’un avait pris le temps de les décrire.