Arthur Prolongeau

Arthur Prolongeau est sorti du Master Assistant réalisateur en 2015. Il a accepté de venir nous rencontrer à l’université pour nous faire un retour sur la formation et nous dire où il en est aujourd’hui.

Peux-tu nous parler de ton parcours jusqu’au master ?

« J’ai fait un Bac scientifique à Limoges, je n’avais pas d’idée arrêté, je regardais plein de films, j’ai choisi de faire une Licence Arts du spectacle. Je suis allé à Poitiers, pas loin de chez moi. Là j’ai découvert la fac et le monde associatif dans lequel je me suis beaucoup investi, notamment dans l’association du Cinéma Le Dietrich, l’association d’Arts du spectacle les Lézards Optiques et la radio Pulsar.

Du fait de cet investissement associatif j’ai fait ma licence en 4 ans au lieu de 3. Je n’ai pas réussi à gérer les deux.

J’étais en 3éme  année de licence, les M1 du Master Assistant réalisateur cherchaient un renfort pour le tournage d’Aurélia Georges organisé dans le cadre de la formation. On m’a proposé et je me suis retrouvé à assister Nicolas Contant, le chef opérateur. J’ai découvert le tournage, ça a été un premier déclic.

Les rushes du court-métrage tourné avec Aurélia Georges ont été réutilisés dans son long métrage qui a été sélectionné à Cannes, du coup j’ai fait partie des étudiants qui sont allés à Cannes. J’ai rencontré des assistants réalisateurs, et ça a été le deuxième déclic, j’ai constaté que je ne me trompais pas sur l’idée que je me faisais du métier. J’ai donc postulé pour le master. »

Qu’est ce qui t’a plu dans le métier d’assistant réalisateur ?

« C’est l’idée que c’est beaucoup d’humain, des gens différents, une nouvelle équipe à chaque fois, des enjeux techniques et humains différents à chaque fois. Tu changes de collègues tous les 3 mois et c’est intéressant de découvrir des gens différents, de s’adapter à chaque fois, de comprendre un projet. J’adore trouver des solutions à des problèmes.

Mon fil rouge c’est premier assistant. Après il y a plusieurs visions du métier, tu peux être très technique sans t’occuper de la mise en scène, mais tu peux aussi trouver une place auprès du réalisateur, être une oreille, trouver des alternatives qui vont dans le sens du film … »

Quelles ont été ta pire et ta meilleure expérience dans le master ?

« Le pire : ce n’est pas vraiment une mauvaise expérience, mais une difficulté. Nous étions dans une promotion de 8 étudiants. Je me suis dit qu’on allait devoir apprendre à vivre et à travailler dans une dynamique commune et par moments cela n’a pas été simple. C’est à mon sens un des atouts de cette formation, apprendre à travailler avec des personnes qui ne se sont pas choisies. Nous n’avions pas une cohésion naturelle mais nous nous sommes tous adapté et avons réussi à bien travailler ensemble.

Autre difficulté personnelle c’était la rédaction des différents dossiers écrits. Je suis passé à côté de ma licence à cause de tous mes investissements extérieurs donc j’avais quelques lacunes. Mon objectif, en faisant le master, c’était aussi de me remettre à niveau d’un point de vue théorique. Ca a été dur…

Le meilleur : les tournages. Particulièrement celui d’Aurélia Georges et aussi le passage à Cannes. Un autre bon souvenir, ça a été ma première journée comme 1er assistant : il a plu toute la journée mais c’était chouette. »

Qu’as-tu fait en sortant de la formation ?

« J’ai fait une année de césure : j’ai signé un contrat avec l’université et j’ai gardé le statut étudiant pendant une année supplémentaire.

Pendant 1 an, j’ai fait des stages conventionnés, et j’ai rencontré des équipes différentes. Et c’est grâce à cette césure que j’ai pu continuer à côtoyer des plateaux de tournage et à prendre de l’expérience. Sans ce temps supplémentaire, mon insertion dans le « milieu » et l’obtention de mon statut aurait été beaucoup plus long et laborieux. Et peut-être que j’aurais pas réussi à trouver des tournages en étant payé.»

Comment tu as vécu financièrement pendant cette année là ?

« Je n’étais pas boursier, mes parents sont de classe moyenne. J’étais dans une grosse colocation, donc je payais un petit loyer, et j’étais saisonnier l’été pour me faire un peu d’argent. Et puis j’ai fait un premier stage de plus de deux mois donc ils étaient obligés de me payer.

J’ai eu la chance de ne pas vraiment avoir besoin de bosser en parallèle. J’ai aussi une tante à Paris qui pouvait m’héberger pendant plusieurs mois pour des stages ou projets. Je n’avais pas besoin de trouver un logement sur Paris.  Mon pied à terre était à Poitiers, je faisais la préparation à Paris et mes premiers tournages se déroulaient en un peu partout en France. »

Comment as-tu créé ton réseau ?

« Mon réseau s’est fait grâce à un enchainement de projets qui se passaient bien à chaque fois. J’ai mis du temps avant de travailler avec la même équipe.

Pendant mon année de césure quelqu’un s’est souvenu de moi et m’a appelé pour un projet, en étant payé, et ça a changé la donne : quand t’es payé une première fois, on ne te propose plus un poste de stagiaire.

Le réseau ça se joue à une première rencontre, un coup de pouce au bon moment, de l’investissement et de la motivation.

Pour moi, je pense que ça a commencé grâce à mon investissement à la fac. Pour mon premier stage de M2, un 1er assistant cherchait un stagiaire et il avait dans son équipe quelqu’un qui sortait du master, ce quelqu’un me connaissait un peu, il s’est souvenu de mon investissement associatif pendant mes années fac alors il m’a recommandé. Puis la 2éme assistante avec qui ça s’était bien passé m’a aidé à rentrer sur d’autres projets. J’ai été assistant accessoiriste grâce à elle, ce qui m’a permis d’être très proche du plateau et de pouvoir observer le travail du 1er assistant. Ensuite cette même 2nde m’a pris comme 2nd sur un projet où elle était 1ère. C’était un petit projet mais ça m’a permis de faire mes premières feuilles de service.

Pour commencer dans le métier, ce n’est pas mal d’être en région plutôt qu’à Paris, tu as une porte d’entrée plus facile d’accès.  Les productions, quand elles ont des aides en région, sont obligées de dépenser en région, donc souvent les auxiliaires de régie ou les 3ème assistants sont embauchés sur place. De cette manière j’ai fait des projets à Limoges avec des 1ers qui m’ont ensuite rappelé pour venir travailler à Paris.

Avec le recul, j’ai eu une bonne étoile, car les choses se sont faites de manière assez fluide et je n’ai pas encore connu de période creuse. »

Ton plus beau souvenir de cinéma jusqu’à présent ?

« A la fac, j’étais perchman pendant un court métrage étudiant, on était dans une petite cuisine, on tournait un échange émouvant entre des comédiens, et c’est moi qui étais au plus proche des comédiens. A un moment je me suis rendu compte qu’il y avait un énorme silence, tout le monde était suspendu, concentré sur un petit écran ou sur les comédiens, tout le monde était arrêté. Ça m’a foutu des frissons. Je me suis rendu compte de l’hyper concentration qu’il peut y avoir pendant un instant… Quand une prise est bonne ça se sent, quand on coupe il y a une sorte d’énergie qui retombe et on se rend compte que tout le monde était dans la même énergie. C’est une super sensation. »

Que fais-tu aujourd’hui ? Des projets à venir ?

« Là je travaille sur un documentaire. C’est rare car en documentaire il y a rarement l’argent pour embaucher une personne en plus du réalisateur, du chef opérateur et de l’ingénieur son. Je suis entre le régisseur, l’assistant de production et l’assistant réalisateur. Je vais repérer des lieux, je m’occupe des demandes d’autorisation de tournage, de la logistique, je parle aux gens qui vont être filmé, aux institutions (ici la prison). Au départ j’ai été appelé juste pour la première journée, et ça s’est bien déroulé. Il se trouve que pour ce projet, il y a un vrai besoin d’un assistant, alors j’ai pu poursuivre l’aventure. C’est une grande chance, c’est rare d’avoir cette place et c’est un projet très intéressant. »

– Un moment de cinéma hors tournage ?

« Haha, j’ai un souvenir dans la salle du Cinéma Le Dietrich, j’y passais beaucoup de temps. J’étais projectionniste bénévole et j’étais à fond dans le film. Mais lors du passage de la troisième bobine, la pellicule s’est cassée. C’était à moi de réparer la bobine donc j’ai dû expliquer à tout le monde ce qui se passait et dire que j’allais réparer ça en 5 minutes… Mais c’était la première fois que ça m’arrivait, je n’avais jamais fait ça avant. La pellicule s’était cassée au climax du film, autant dire que tous avaient été coupés dans leurs élans de spectateurs et qu’ils avaient hâte que le film se poursuive. Au final j’ai réussi à le réparer et tout est rentré dans l’ordre. »

Un petit conseil à donner pour être un bon assistant ?

« En fait tu dois être un super héros, conciliant, juste, sévère…

Il faut sentir les choses. Mais je pense que l’important c’est l’observation. Quand t’arrives sur un plateau, surtout quand t’es 3ème et que tu n’as pas accès à toute les informations, tu peux savoir, en regardant le décor, la place des comédiens, celle des lumières, ce qu’il va se passer ensuite. Le 1er assistant il observe et il écoute toujours tout, il sait toujours ce qu’on attend, ce qu’on fait, il cible toujours la prochaine étape qui va permettre à la machine d’avancer.

Et une difficulté que je ressens ces derniers temps c’est de pas me reposer trop sur mes acquis.  Plus on gagne de l’expérience et plus on a tendance à se dire « bon ça, ça va je sais ». Il faut accepter le fait d’avoir toujours des choses à apprendre. Les équipes changent tout le temps, on est toujours obligé de s’adapter, pas moyen de s’endormir. C’est une des raisons pour laquelle je travaille sur des tournages.

 

Le questionnaire AMPAR 

  • Le master en 1 mot : Formateur.
  • Le réalisateur avec qui vous rêveriez de travailler et en un mot pourquoi : Raymond Depardon, pour son rapport au réel.
  • Le réalisateur avec qui vous détesteriez travailler, en un mois pourquoi : Je ne sais pas.
  • Le film qui vous a le plus marqué cette année : Je ne sais pas, je vais pas assez au cinéma…
  • Le souvenir de film le plus marquant de votre enfance : Casablanca.
  • Le pire pour un assistant réalisateur : Ne pas être au bon endroit au bon moment.
  • La meilleure situation pour un assistant réalisateur : Etre en phase avec l’équipe.
  • Le don que vous rêveriez d’avoir : Etre dans la tête des gens, arriver à se mettre à leur place.
  • Votre héros/héroïne dans la fiction : Humphrey Bogart, ha non dans la fiction heu … Carlito dans L’Impasse (Carlito’s way) de Brian de Palma avec Al Pacino.
  • Dans la vie réelle : Je dirais mon père.
  • Si vous n’étiez pas vous-même, qui voudriez-vous être ? Je voudrais être quelqu’un qui ose plus faire les choses.
  • Comment vous imaginez-vous dans 10 ans ? Pas si différent d’aujourd’hui et toujours en train d’essayer de me dépatouiller avec ce que je suis.
  • Votre devise ? En ce moment c’est « Tranquille » .
  • Votre état d’esprit en ce moment ? Plutôt positif, après deux ans sans de pied-à-terre, je vais enfin avoir un chez moi sur Paris et je vais pouvoir aller voir des films, lire des bouquins, dans un endroit posé, qui est toujours le même.