Le départ s’effectuera le lundi 3 Avril 2023 à 09h00.
Cette phrase, envoyée par ma personne le 31 mars à 7 étudiants du Master Assistant Réalisateur, marque le lancement de l’opération “Poitiers à Brive la Gaillarde”. Et c’est comme prévu dans mon message que nous partons dès lundi matin, plus ou moins à l’heure, mais dans la bonne direction. Deux voitures s’engagent sur l’A20 avec comme objectif, pour la majorité d’entre nous, de participer à notre premier festival de cinéma.
Pour comprendre cette mission, il faut revenir quelques années en arrière. En 2019, l’AMPAR décide de donner carte blanche au jeune cinéaste Jérôme Reybaud afin de réaliser un film. Un virus à la renommée mondiale, une annulation de tournage, une rencontre avec Barberousse Productions et une année de post-production plus tard, Poitiers est né. Après une virée en Suisse, au Festival du film de Locarno, le moyen métrage se retrouve dans la sélection officielle 2023 du Festival de cinéma de Brive.
Ce sont donc 8 étudiants, Alicia Ung, Corentin Muti, Marine Barreau, Laura Thevoz, Baptiste Seguin, Hugo Masse, Loann Labbe et Florian Vadelorge, qui s’installent dans de jolis chalets en bois afin de rejoindre tous les jours de cette belle semaine d’avril Laurence Moinereau, directrice du Master Assistant Réalisateur, pour représenter l’AMPAR au pays du moyen métrage.

Festival de cinéma, terre de rencontres
Alors que le festival ne commence vraiment que le lundi soir, nous commençons notre séjour dès 14h, entourés de lycéens en option cinéma/audiovisuel du Lycée d’Arsonval qui fêtent les 30 ans de leur option. Après une brève présentation du Master à la salle, nous assistons à une table ronde où défilent d’anciens étudiants du lycée, qui viennent parler de leurs cursus et de leurs parcours professionnels. Nous prenons alors de nombreuses notes, autant sur ce qu’ils disent que sur la façon d’organiser une table ronde d’anciens, dans l’espoir d’organiser quelques mois plus tard un événement similaire afin de célébrer les 10 ans de notre formation. Quelques heures et quelques morceaux de gâteaux plus tard, nous partons nous installer dans nos petites maisons qui seront nos demeures pour la semaine.

Le lendemain matin, nous nous retrouvons pour la première fois dans ce qui deviendra notre QG de la semaine, le salon de thé Le Chantilly. Nous profitons de cette matinée pour finaliser la préparation d’un des temps forts de notre semaine en Corrèze, un entretien privé entre nous et le réalisateur Eugène Green. Ayant appris qu’il était présent au festival pour présenter son dernier film Le mur des morts, sélectionné dans la compétition officielle, nous avons saisi l’occasion d’organiser une rencontre avec lui. C’est à 16h que nous le retrouvons sur la mezzanine du Cinéma Rex : un cercle de chaises et une petite table avec notre enregistreur posé dessus, c’est tout ce qu’il nous faut pour pouvoir profiter d’une discussion de près de deux heures avec lui. Malgré les nombreuses interruptions dues à la présence du pôle “réseaux sociaux” situé juste à côté de nous, l’entretien se déroule sans accrocs et il ne tient qu’à vous d’en découvrir le contenu dans la rubrique Written on the web de notre site !

Le jour suivant, c’est un peu avant 9h que nous nous rejoignons tous au QG afin de faire la connaissance autour d’un café du directeur de l’Agence Livre Cinéma et Audiovisuel de Nouvelle Aquitaine, Emmanuel Feulié. Un court échange d’une heure, le temps de nous présenter et d’essayer de faciliter nos prochaines recherches de stage en région, et nous devons nous rendre à la médiathèque de la ville afin d’assister à une table ronde organisée par la Société des Réalisateurs Français autour de l’importance du moyen métrage dans le paysage audiovisuel français. A notre grande surprise, nous sommes d’abord conviés à découvrir au premier étage l’exposition consacrée au mystérieux Norbert Moutier, auteur inconnu de plus de 200 bédés écrites et dessinées à la main et réalisateur de la série de films Mad Mutilator. Puis nous redescendons assister dans le hall au débat de la SRF entre les réalisateurs Yann Le Quellec et Sébastien Betbeder et le producteur Frédéric Dubreuil. Cette table ronde est aussi pour nous l’occasion d’effectuer notre exercice de la semaine : récupérer un maximum de contacts professionnels. Les festivals étant des essaims de professionnels du cinéma, ce sont de super endroits pour faire des rencontres.
Jeudi matin, nous retournons une nouvelle fois au lycée d’Arsonval afin d’assister à une discussion autour des différents métiers de la production. A cette occasion, nous rencontrons pour la première fois de la semaine Emmanuel Chaumet, fondateur d’Ecce Films. Nous profitons des quelques minutes qu’il nous accorde pour nous présenter, évoquer notre formation, et récupérer une adresse mail. Alors que certains d’entre nous avaient en début de semaine une vraie difficulté à aborder les personnalités du festival, nous avons fait de jolis progrès en la matière tout au long du séjour.
Nous sommes vendredi et c’est déjà le dernier jour de notre présence ici, à peine commençons-nous à nous sentir brivistes que nous devons bientôt quitter la ville. Mais nous ne tombons pas dans une déprime nostalgique pour autant ! Après notre première accréditation dans un festival, notre première interview de réalisateur, notre découverte des tables rondes et des opportunités de rencontres dans les lieux réservés aux happy few, il nous reste encore une expérience à faire : celle d’une séance de présentation de pitchs. Une dizaine de jeunes réalisateurs monte sur scène devant une salle comble pour “pitcher” en seulement quelques minutes le projet sur lequel ils travaillent pour certains depuis plusieurs années, dans l’espoir d’intéresser un producteur qui pourrait être présent dans la salle ou de gagner le prix qui récompense leur travail d’une bourse à l’écriture. Une expérience qui est, je pense, bien plus agréable à vivre dans le public que sur scène.
En un clin d’œil, il est 23h30, on sort pour la dernière fois du Cinéma Rex et on reprend la voiture direction Poitiers, la tête pleine de souvenirs et d’images parce qu’en effet en festival de cinéma, on rencontre les gens qui font le cinéma, mais avant tout, on va au cinéma !

Des films, des films, et encore des films (et des fois on danse)
1 cinéma, 3 salles, 4 jours, une cinquantaine de films à découvrir. Voici le programme qui nous attendait lorsque nous avons pénétré dans l’antre du moyen métrage, le Cinéma Rex et son tapis rouge. Munis de nos accréditations nous avons pu découvrir des films venant des quatre coins du monde, Brésil, France, Suisse, Espagne, Inde, Japon, Russie … La compétition officielle du Festival de Brive présente 20 moyens métrages issus de 9 pays différents. L’occasion de se rendre compte de la grande diversité du cinéma contemporain mondial. Plus concrètement voici quelques films de la sélection particulièrement appréciés par le jury officieux de l’AMPAR :
– Mimi de Douarnenez de Sébastien Betbeder
– Dhuin de Achal Mishra
– Arquitectura Emocional 1959 de León Siminiani
– Itchan and Satchan de Takayuki Fukata
Mais surtout, si l’occasion se présente, n’hésitez pas à aller voir Marinaleda de Louis Séguin qui a su conquérir le cœur de tous ses spectateurs (je peux vous l’affirmer, le film a été lauréat du prix du public) et notamment le mien. Ce road-movie au ton décalé raconte l’histoire de deux vampires faisant du stop sur les routes de Corrèze afin d’atteindre la ville communiste de Marinaleda.
En plus de la sélection officielle, l’année 2023 marque les 20 ans du festival de Brive. Les programmateurs ont décidé de célébrer cet anniversaire en projetant, dans la salle numéro 2 de leur cinéma, une rétrospective de 20 grands moyens métrages de l’histoire du cinéma. De nombreux cinéastes sont mis à l’honneur dans cette sélection, de Claude Chabrol à George Romero, en passant par Chantal Akerman. Ces séances nous ont permis de découvrir de nombreux films de patrimoine qui nous étaient alors inconnus.
Une de ces séances nous a particulièrement marqués. Le mardi 4 avril au soir, une majorité d’entre nous décide d’aller voir la séance 20 pour 20 (nom donné à la rétrospective). Ce soir-là, est diffusé A Praga de José Mojica Marins, suivi d’un court documentaire racontant l’histoire de la restauration du film. Ce film d’horreur brésilien nous montre durant 50 longues minutes un melting pot de scènes pas extrêmement bien jouées mêlant plans à la pellicule à moitié brûlée et images gore de mannequins aux entrailles ouvertes. A la sortie de la salle, le jury AMPAR est radicalement divisé. La moitié du groupe a passé un moment très pénible, l’autre moitié tente à coup d’arguments plus ou moins valables de convaincre que ce film mériterait d’être un classique des films de série B… Sans surprise, aucun des deux camps ne parvient à convaincre l’autre.
Heureusement, le cinéma ne s’arrête jamais. Une sélection officielle de 20 films, une rétrospective de 20 films de patrimoine, ce n’est pas suffisant. En parallèle à ces deux programmes, le Festival de Brive propose quelques séances spéciales.
Une séance est présentée par la Cinémathèque française autour de Sauve qui peut (la vie) de Jean-Luc Godard. Que serait un festival de cinéma en France si on ne pouvait pas parler de Godard ? L’Agence du Court Métrage anime une séance autour des films Un rêve, un film d’animation expérimental de Patrick Bokanowski, et Le Grand Méliès, un film biographique dans lequel Georges Franju raconte la vie du cinéaste des premiers temps. Enfin, un festival de cinéma en Corrèze se doit de montrer que l’on peut réaliser des films en dehors de Paris. C’est aussi l’objectif de la séance Nouvelle-Aquitaine : lors de cette séance, nous avons pu découvrir deux films que la région a décidé d’aider financièrement ces dernières années, Perles d’Alexis Hellot et Les Ardents co-réalisé par Esther Mysius et Camille Rouaud.
Enfin, une séance particulière était attendue par de nombreux festivaliers de Brive-la-Gaillarde. 20h45, jeudi 6 avril, Théâtre de Brive. Le rendez-vous était pris. Mais en sortant d’une projection d’un film étrange, Ofelia de Kira Muratova, on apprend que le théâtre est en grève pour protester contre la réforme des retraites. La séance que tout le monde voulait voir est donc rapatriée au Cinéma Rex. Une foule commence à s’amasser devant les portes de ce dernier et la pression monte quand il devient clair que tout le monde ne pourra pas rentrer. Après une négociation qui était loin d’être gagnée d’avance, grâce à une bénévole qui reconnaît « l’équipe de Poitiers », nous pouvons enfin rentrer dans la salle et nous asseoir devant l’écran. Cette séance si particulière est la projection du film de Yann Le Quellec, Je sens le beat qui monte en moi, et ce qui la rend si singulière, ce n’est pas le film lui-même, bien qu’il soit excellent, mais ce qui se déroule après. Alors que le public applaudit le réalisateur qui monte sur scène devant nous, on aperçoit dans le coin de la salle Serge Bozon, l’acteur principal du film, qui se positionne derrière une platine, montrant fièrement ses vinyles à la foule. Lorsqu’il se met à mixer, Rosalba Torres Guerrero, sa partenaire, apparaît en haut de la salle et la parcourt en dansant jusque sur la scène à la manière de son personnage dans le film. De nombreux danseurs et danseuses se joignent à elle et invitent petit à petit les spectateurs à les rejoindre sur la piste. Après avoir pu admirer sur grand écran les rues de notre ville, Poitiers étant le lieu choisi par le réalisateur pour faire danser ses personnages dans son film, certains d’entre nous ont senti le beat monter en eux… et participé à la suite du spectacle !

From Poitiers to Brive
Mais durant cette semaine d’avril, Je sens le beat qui monte en moi n’est pas le seul film qui met à l’honneur la ville aux cent clochers. Poitiers se paie donc le luxe d’être deux fois à l’affiche durant ce festival, dont une fois au sens littéral, grâce au film éponyme de Jérôme Reybaud. Le mardi 4 avril, c’est en présence de son réalisateur et de ses producteurs François Martin Saint Léon et Laurence Moinereau que le film est présenté dans le programme 3 de la compétition officielle. Pour cette occasion, les acteurs Cyprien Farret et Roxanne Ottmann nous ont rejoints. 41 minutes et 4 bols de lait plus tard, le film et son équipe sont applaudis.
Malgré son absence au palmarès officiel, Poitiers a tapé dans l’œil du jury, et en particulier d’Antoine Barraud, son président, qui loue son inventivité et sa fraîcheur. Lors de la soirée de clôture, deux mentions spéciales sont créées pour le récompenser : un prix d’interprétation féminine décerné à Fabienne Babe, partagé avec Françoise Lebrun (Le mur des morts d’Eugène Green), Pauline Belle (Marinaleda de Louis Seguin) et Ondina Quadri (Euridice, Euridice de Lola Mure-Ravaud), et une mention spéciale à la mise en scène.
Mais Poitiers n’a pas fini de traverser la France et se dirige vers le Ciné 104 de Pantin à l’occasion du festival Côté Court. Bien sûr, l’AMPAR continue à l’accompagner. Pour la suite de nos aventures, c’est par là : http://ampar.fr/poitiers-en-selection-au-festival-cote-court-direction-la-capitale
Quelques bribes de Brive :
– 4 jours de festival
– 8 étudiants présents
– 7 rendez-vous au Chantilly : notre fréquentation record d’un salon de thé
– 8 films par jour en moyenne
– 1 pixel vert sur l’écran principal du festival, devenu la mascotte des festivaliers
– 6 sonneries de téléphones (ressenties 100) en pleine séance
– 2 mentions de l’AMPAR dans le catalogue du festival
– 1 karaoké et 1 soirée dansante
– 2 films poitevins et 2 prix pour Poitiers
Poitiers à Brive en 2023 c’est
– Mention spéciale pour la mise en scène
– Prix d’interprétation féminine pour Fabienne Babe