Julien Gauthier, la ténacité à l’épreuve du cinéma

 

À 32 ans, Julien Gauthier est un « ancien ». Il a connu la naissance de ce jeune Master, et une partie de son évolution. Pourtant, cela ne fait que deux ans que ce technicien du cinéma, régisseur et assistant réalisateur, a obtenu son diplôme. Lors d’une rencontre, Julien a accepté de me raconter son parcours, son rapport au cinéma, et les liens qu’il tisse encore avec le Master Assistant Réalisateur.

« Si on commence à parler de mon parcours scolaire… »

Juste après son baccalauréat, Julien est guidé par une envie principale : faire du cinéma. Comme de nombreux étudiants du Master, Julien a commencé par s’inscrire en Licence d’Arts du Spectacle. Un choix pas forcément facile : « Je sortais d’un bac technologique, où l’on ne t’apprend pas à rédiger une dissertation. » Tenace, il a pris le temps qu’il lui fallait pour obtenir son diplôme : « J’ai eu ma licence en cinq ans. Pendant mes trois années de Licence 1, je me suis fait violence pour apprendre à rédiger correctement, pour faire une dissert… »

Cet apprentissage théorique lui a plu, au point de continuer en Master Recherche : « En licence, le fait d’être avec des enseignants qui te donnent envie d’en savoir plus sur le cinéma te pousse à creuser un peu plus, à faire encore plus de théorie, à faire des recherches sur des films qui te tiennent à cœur… Et en Master, c’est toi qui choisis tes propres sujets. » Passionné de films d’action, Julien a donc pu travailler sur les films de John McTiernan, notamment Last Action Hero, ainsi que ses deux remakes de films de Norman Jewison : The Thomas Crown Affair et Rollerball. Julien a ensuite soutenu son mémoire auprès de Francisco Ferreira, son premier professeur de cinéma en Licence : « pour moi, la boucle était bouclée au niveau de la recherche. »

En parallèle de cet apprentissage théorique, avec un groupe d’amis étudiants, « un noyau dur », Julien participe à ses premiers tournages, en amateur. « On a commencé par faire un court-métrage pour le concours du CROUS, puis on a fait une dizaine de court-métrages ensemble. Entre nous, sans les règles d’un vrai tournage. On ne les connaissait pas et on n’a pas cherché à les apprendre non plus. C’est peut-être un tort. Je pense que maintenant ce serait différent : si je devais refaire un tournage avec des potes, je dirais, « eh les gars on fait neuf heures par jour, pas 15 heures par jour ! » Lors de ses tournages, Julien expérimente les deux postes qui vont être les siens plus tard professionnellement : la régie et l’assistanat à la réalisation.

« Je ne me voyais pas faire autre chose qu’un métier en rapport avec le cinéma. »

Après son master recherche, son désir de faire du cinéma étant toujours présent, Julien se questionne : que faire désormais, vers quoi s’orienter ? Après son Master Recherche, il arrête la fac mais continue d’y suivre quelques cours qui l’intéressent, tout en cherchant le moyen de reprendre la pratique. « C’est en allant à la fac régulièrement que j’ai appris qu’un Master Pro allait ouvrir. » Toujours patient, l’étudiant attend un an pour pouvoir s’inscrire dans le Master. « Les assistants réalisateur n’ont pas de formation à proprement parler, on apprend sur le tas C’est le seul master public en France qui forme au métier d’assistant. Ce n’est pas rien. » Julien fait donc partie des premiers étudiants du Master, un des premiers à expérimenter ce mélange d’apprentissage théorique et pratique, à visée professionnalisante.

Il évoque les rencontres qu’il y a faites, le réseau qui a pu se créer autour du Master, et qui se retrouve au fil des tournages régionaux. « Pour les premiers tournages du Master, il y avait pas mal de techniciens de Poitiers. On s’est suivis. Maintenant quand on m’appelle sur un tournage, j’essaie toujours de placer les techniciens avec qui je m’entends bien, parce que je sais comment ils travaillent, et que je m’entends bien avec eux. »

À la question : « Qu’as-tu appris du Master ? » il répond : « Je pense que j’ai fait le master pour confirmer une envie que j’avais, pour savoir si j’étais vraiment fait pour travailler dans le cinéma, pour être sur un plateau. » Et pour lui, le meilleur moyen de le savoir est évidemment la pratique. « Il faut savoir très vite si on a envie de travailler sur un plateau, et quel poste on a envie d’occuper, sinon on prend la place de quelqu’un d’autre plus motivé que soi. »

« Pour trouver un stage, c’est simple… »

Et à partir du moment où on est sûr qu’on veut travailler dans le cinéma, comment commencer ? Sur ce point, Julien est catégorique : «Il faut y aller. La première chose à faire, quand on veut trouver un stage en Poitou-Charentes, c’est de rentrer en contact avec Poitou-Charentes Cinéma, et demander le planning prévisionnel des tournages. » Julien a fait son premier stage en Charente-Maritime, sur un court-métrage. Puis il trouve du travail en tant que renfort régie sur la série l’Hôtel de la Plage, pendant sa deuxième année de Master. Le régisseur le recommande ensuite à la production de la série Ainsi soient-ils. Ce stage est pour lui, « mon stage de référence pour la suite de ma carrière. J’y ai énormément appris. ». Il y effectue trois semaines en tant que régisseur adjoint du régisseur général Anthony Crozet, et puis obtient de la production de continuer à travailler sur le projet pendant trois mois. Finalement, l’assistant lui demande de continuer quelques semaines de plus… cette fois-ci en tant qu’assistant mise en scène. Après cette expérience, Anthony Crozet, connaissant son expérience sur la série, lui demande de travailler avec lui en tant que régisseur adjoint. C’est ainsi que Julien commence à travailler, sur un long métrage.

« Quand tu as fait de la régie, c’est plus facile de faire de la mise en scène. »

Après un master formant à l’assistanat à la réalisation, Julien a commencé par faire beaucoup de régie. Et pas par défaut : « J’adore faire de la régie. Tu as de vrais défis, en termes de décors, de réactions à avoir face à l’imprévu. En plus, tu es en contact avec tous les postes d’un tournage, donc tu vois comment chacun travaille. Tu connais les tenants et les aboutissants des différents postes, et tu apprends à savoir les demandes qu’ils vont te faire, leurs besoins. »

Mais Julien ne laisse pas de côté la mise en scène, un domaine qu’il a envie d’approfondir, et dans lequel il voudrait se spécialiser : « Que je sois régisseur adjoint, régisseur général ou même troisième assistant réalisateur, j’observe toujours comment le premier assistant travaille avec son réalisateur, avec les autres assistants, avec son équipe… » Quant à devenir premier assistant réalisateur : « Je ne l’ai jamais été. Si on me le proposait, je ne sais pas si j’accepterais, parce que j’aurais peur de mettre le tournage en danger… », commence-t-il, avant de rectifier : « Je demanderais des conseils à des collègues assistants, mais je pense que je dirais quand même oui. Parce que c’est une occasion qui ne se présente pas tous les jours. »

De l’apprentissage à la transmission

Julien est toujours lié au Master Assistant Réalisateur. Cette année, Laurence Moinereau, la directrice du Master, lui a demandé d’intervenir sur un tournage en tant que régisseur. Il a donc accepté de participer au tournage du Fils de Jeanne d’Arc, réalisé par Jules Zingg afin de former deux étudiantes à la régie, Adeline et Leslie. Une expérience qu’il ne regrette pas : « J’ai adoré participer au court métrage. C’était intéressant de revenir parce que je pouvais voir si ce que j’avais appris en tant que professionnel, j’étais capable de le transmettre aux étudiants. » En effet, Julien a appris la régie de manière informelle, complétant son apprentissage à chaque tournage en fonction des responsabilités qui lui étaient données. Pour transmettre son expérience, il a dû tout se remémorer. Pour lui, cette formation est très différente de celle qu’un stagiaire régie peut avoir sur un tournage professionnel. « Les tournages du master permettent de former globalement les étudiants, de prendre le temps de leur expliquer. Pour Adeline et Leslie, le travail n’était pas seulement faire des courses, préparer la table régie… Elles ont dû faire toute la prépa. » Et Julien a dû pendant le tournage leur faire confiance, se reposer sur leur travail. « Et ça a fonctionné, parce qu’elles étaient à l’écoute. » Les conditions de tournage lui ont plu également : « Avec Le Fils de Jeanne d’Arc, Jules a donné du travail à tous les départements. Il a réussi à combiner beaucoup de choses, aussi bien artistiquement que pédagogiquement. Chacun y a trouvé son compte. » Julien se dit prêt à réitérer l’expérience si on le lui redemande.

« L’intermittence, c’est de l’adaptation. »

À la fin de notre entretien arrive la question fatidique, celle qu’on pose à chacun des intervenants qu’on rencontre, à chaque intermittent du spectacle. « Et…l’intermittence ? », suivie de multiples point d’interrogations, autant que de mystères et d’inquiétudes qui se cachent dans cette appellation et le mode de vie qui l’accompagne. Depuis qu’il a commencé à travailler, Julien a réussi à obtenir son statut d’intermittent et à le garder. Il ajoute : « Si tu as fait ce choix, et que tu ne te vois pas faire autre chose, tu t’adaptes, comme sur un tournage. Si tu vis avec un ou une intermittente, c’est évidemment plus simple. Si pour ton compagnon ou ta compagne c’est l’inconnu total, il faut lui expliquer. » Pour lui, malgré les contraintes que peut imposer le statut, travailler dans le cinéma, c’est échapper à la routine : « Il y a toujours une certaine répétition dans la prépa, des codes, la démarche est la même. Mais à chaque film ce sont toujours des décors différents, des techniciens différents, des acteurs différents, un réalisateur différent. » Et Julien de conclure : « Tu es constamment en train d’apprendre. »