Etienne Courjault

Peux-tu me parler de ton parcours jusqu’au Master ?

J’ai fait un bac ES option cinéma et une Licence Arts du spectacle à Poitiers. Ensuite j’ai fait une année de Master recherche à Poitiers étant donné que le Master Assistant réalisateur n’était pas encore ouvert. Puis, j’ai pu m’inscrire dans le Master 1 Assistant réalisateur, l’année suivante, jusqu’en M2. En tout, j’ai fait trois ans de master.

Pourquoi as-tu voulu travailler dans le cinéma ?

Alors c’est parti pour l’anecdote : quand j’avais 12 ans mon frère a acheté sa première caméra et on a tourné jusqu’à l’user. On faisait des petits sketches, des parodies et ça ne m’a jamais lâché. Du coup, je me suis dit que j’avais très envie de travailler là-dedans.

 

Qu’est-ce qui t’a plu dans le métier d’assistant réalisateur ?

C’est venu tard. Au départ c’était un peu par défaut, il faut être franc, parce qu’il n’y avait pas autre chose à Poitiers et que je n’avais pas encore envie de bouger à Paris. Surtout, je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire de ma vie. Il s’avère que tout le côté management d’équipe, gérer d’une maquilleuse à un machino, gérer tous les extrêmes sur un plateau, c’est hyper fort et c’est quelque chose que j’apprends à aimer encore tous les jours.

Quelle est ta meilleure et ta pire expérience dans le master ?

La meilleure : Pier Lamandé un metteur en scène et comédien de théâtre est venu dans le master faire un mini stage de trois jours. On avait un exercice de tournage par jour, il n’y avait aucun matériel, c’était seulement pour la gestion d’équipe et savoir comment parler à telle ou telle personne sur un plateau. L’exercice en soi n’était pas hyper compliqué, ça s’est plutôt bien passé, mais ce qui était fort c’est qu’à la fin du stage il a pointé du doigt les qualités et les défauts de notre approche du travail sur le plateau, en lien direct avec nos personnalités respectives. C’était une analyse tellement précise et tellement forte ! Il nous a confrontés à nous-même et nous nous disions « Ah oui c’est vrai je suis exactement comme ça, et ça par exemple c’est un problème à régler ».

La pire : la première journée de tournage où j’étais premier assistant réalisateur. Je ne me suis pas vraiment entendu avec le professionnel associé du master qui venait en tant que réalisateur. Je n’avais pas fait ni troisième ni second avant, je ne connaissais pas le métier et j’avais juste la théorie donc c’était compliqué cette journée-là. La matinée s’est très mal passée. J’avais du mal à gérer tout ce qui se passait sur le plateau, comme une première fois où tu es premier quoi ! Après, le reste de la journée ça a été, tu es à fond dans le rôle et ça vient.

Qu’as-tu fait à la sortie de la formation ?

À la sortie du master j’ai fait un stage de six mois à la région Poitou-Charentes au Pôle d’éducation à l’image avec Dorine Bourineau qui était venue en tant qu’intervenante régisseuse générale sur les tournages du master. On s’est super bien entendus et elle m’a proposé ce stage. Il m’a permis de découvrir tout le réseau du cinéma en Poitou Charentes, le fonds d’aide, les associations, les infrastructures territoriales dédiées, etc… C’était hyper enrichissant. Alors pas vraiment culturellement, parce que c’est un travail de bureau et je savais très bien que je ne voulais pas du tout faire ça. Mais ça permet d’avoir un élément de comparaison avec les tournages par exemple et je suis rentré justement sur les tournages très vite après ça. C’était hyper fort de discuter avec tous ces gens-là, ils nous apportent plein de choses et nous on leur rapporte des sous pour qu’ils fassent leur projet. C’était le principe du Pôle d’éducation à l’image et c’était surtout tourné vers l’éducation donc on faisait des interventions dans des écoles, des collèges et des lycées. C’était la première fois que je m’adressais à une classe et ça fait peur, ça fait très peur… Mais c’est super ! Les élèves avaient des ateliers sur un an, ils devaient écrire un scénario, le tourner, le monter et nous on intervenait au début pour leur expliquer comment ça se passe, comment ça se découpe, comment ça se tourne, comment constituer l’équipe etc. Et on leur donnait des documents numériques un peu simplifiés en leur expliquant ce que c’était par exemple une feuille de service, un plan de travail etc.

Après ce stage, qui n’était pas validant pour le Master (c’etait du bonus) j’ai participé au tournage d’une série France 4 du coté de La Rochelle, en tant que stagiaire troisième assistant. La aussi, j’ai évidemment beaucoup appris, et rencontré des personnes avec qui je travaille encore régulièrement aujourd’hui. J’ai fait aussi pas mal de régie par la suite et j’en fais toujours.

Préfères-tu être à la régie ou être assistant ?

Je ne préfère pas mais j’aime les deux, je n’arrive pas faire un choix. Ce sont des métiers complémentaires, à mon sens.

Comment as-tu créé ton réseau ?

C’est difficile comme question. Je ne sais pas mais il y en a peut-être qui ont plus de chance que d’autres. Il y a souvent une personne qui t’aide et qui te fait « monter », ça dure un certain temps… Ensuite il y a une autre personne qui arrive. Ça a toujours marché comme ça. Alors je ne sais pas si c’est comme ça pour tout le monde, mais moi en l’occurrence, Dorine m’a beaucoup aidé à avoir un peu plus d’assurance et à me faire un réseau plus facilement aussi. Aujourd’hui il y a un autre chef avec qui je bosse depuis maintenant deux ans, on est super potes et ça se passe très bien, on se complète beaucoup. C’est essentiellement des rencontres.

Quel est ton plus beau souvenir de cinéma jusqu’à présent ?

Ça aussi c’est difficile comme question. Ce n’est peut-être pas le plus beau mais j’en dis un quand même ! C’était au lycée, nous étions invités pour un festival à Rochefort qui s’appelait « L’œil écoute », un rassemblement de lycéens. Il regroupait toutes les options cinéma du Poitou-Charentes et on présentait les films qu’on avait faits dans l’année, puis à la fin il y avait un prix. Avec mon ami, on avait gagné le coup de cœur du jury en faisant un remake d’une scène du Seigneur des anneaux. Nous avions besoin de chevaux et comme par hasard la mère de mon ami en avait. C’était ma mère qui cadrait et c’était trop bien ! Les gens ont adoré, c’était cool.

Que fais-tu aujourd’hui et as-tu des projets à venir ?

Je sors d’une longue série à La Rochelle : Das Boot. J’étais en régie au poste de capitaine transports donc je m’occupais de tous les transports d’équipe. Je devais gérer toutes les arrivées et les départs aéroport / gare, puis les transferts entre La Rochelle, les hôtels et les décors. C’était une série où il y avait entre 140 et 180 personnes par jour donc il y avait beaucoup de monde à gérer et c’était une super expérience. Et je suis en ce moment sur un téléfilm France 2 à la Régie, et je prépare un clip pour un groupe d’éléctro en tant que premier assistant.

Un moment de cinéma en tournage ?

J’en parle parce que c’est rare. L’année dernière, j’étais premier assistant réalisateur sur un court-métrage à Poitiers qui s’appelait In Vivo et en fait le réalisateur était un ancien metteur en scène de théâtre. Il avait donc emmené tous ses potes comédiens de théâtre pour faire ce film. Il y en a un qui m’a fait pleurer sur le plateau tellement il jouait bien. C’était la première fois que ça m’arrivait et c’était un moment incroyable et rare.

En général as-tu de bons rapports avec le réalisateur en tant qu’assistant réalisateur ?

Oui, à chaque fois c’est différent, à chaque fois c’est une nouvelle expérience.
J’ai fait un duo de réalisateurs une fois et c’était très, très difficile. Ils ne s’entendaient pas du tout. Il y en avait un qui était réservé avec des idées plutôt posées et assez pertinentes, et l’autre était hyperactif avec des idées dans tous les sens. Ce n’était pas agréable du tout pour moi, même si ce côté médiateur est important dans ce métier.

Un petit conseil à donner pour être un bon assistant ?

Il faut être absolument à l’écoute de tout le monde et se souvenir de tout !. Tout ce qui arrive sur un plateau, tu es censé le savoir. S’occuper des problèmes de tous les postes c’est hyper important. Même quand tu ne peux rien faire, il faut les écouter. Si tu es présent mais que tu es quand même ferme les gens ne sont pas méchants avec toi, ils te respectent. Ce n’est pas forcément un métier où tu gueules tout le temps et où les gens te détestent.

 

Le questionnaire AMPAR
AMPAR s’est inspirée en partie pour ses questions du fameux questionnaire de Proust.

 

  • Le master en un mot : Passerelle.
  • Le réalisateur avec qui vous rêveriez de travailler, en un mot pourquoi : Denis Villeneuve, parce que je trouve TOUS ses films dingues.
  • Le réalisateur avec lequel vous détesteriez travailler, en un mot pourquoi : Jean-Pierre Mocky. En fait non j’adorerais me faire engueuler par Mocky.
  • Le film qui vous a le plus marqué cette année : Okja, de Bong Joon Ho.
  • Le souvenir de film le plus marquant de votre enfance : Starship Troopers, de Paul Verhoeven.
  • Le pire pour un assistant réalisateur : Que quelqu’un vienne vous dire qu’il y a trop de bruit sur le plateau.
  • La meilleure situation pour un assistant réalisateur : Rentrer la journée avec de l’avance.
  • Le don que vous rêveriez d’avoir : Me téléporter, mais ça n’a aucun rapport avec le cinéma.
  • Votre héros / héroïne dans la fiction : Yoda ou Ron Swanson, j’hésite entre les deux.
  • Votre héros / héroïne dans la vie réelle : je n’en ai pas.
  • Si vous n’étiez pas vous-même, qui voudriez-vous être ? Un animal, et un oiseau très probablement.
  • Comment vous imaginez-vous dans dix ans ? A l’étranger.
  • Votre devise : « C’est pas faux ».
  • Votre état d’esprit en ce moment : Déterminé.